La force des déclics

Jeanne Dobriansky

Je ne décide plus. Je suis décidée

Dans un chemin de transformation, il est précieux d’être attenti.f.ve aux signes. On voit des choses qu’on n’aurait pas vues auparavant. On décide de se laisser guider autrement. Et parfois, on ne décide plus, « on est décidé.e.s ». Dans le sens où c’est la décision qui nous traverse et qui nous amène à agir, plutôt que nous qui la prenons. Dans mon expérience, ces moments ont été rares, mais particulièrement puissants. J’ai envie de vous en partager un. Je m’en souviens comme si c’était hier.

C’était en septembre 2018, à la toute fin d’un stage de danse animé par Marc Sylvestre. Nous échangeons brièvement alors que le studio se vide et Marc me dit, l’air de rien : « Tu sais, si tu sens que tu as quelque chose à vivre avec la danse, franchement… vas-y ».

Le droit – ou le devoir – de suivre ce qui fait vibrer

Je me souviens de l’impact de ses mots. Je les ai reçus comme une bénédiction, une invitation. Un verrou qui saute. Parce que c’était une évidence à l’intérieur, depuis des années : je me sens tellement vivante quand je danse. Mais je ne me l’avouais pas à moi-même. Ce monde me paraissait aussi fascinant que défendu. Je ne suis pas une artiste, je ne suis pas une danseuse. J’aurais tellement aimé… 

J’ai aussitôt rebondi, expliquant que je sentais bien que la danse m’appelait très fort, mais que je ne savais pas trop comment répondre à cet appel. Marc m’a alors parlé de l’Institut Tamalpa, où l’on passe des mois à danser, dessiner, écrire, en lien avec sa vie, ses envies. Et où l’on apprend à guider des ateliers de Life Art Process®. 

Le soir-même, en rentrant chez moi, j’ai regardé le site web, le coeur battant. Tout semblait évident. Il fallait que je parte là-bas. En Californie. Que je mette en pause Alliam (l’entreprise que j’avais créée) le temps d’une année. J’avais des économies. C’était jouable. La décision s’est prise en l’espace d’une minute, en parcourant les lignes et les images du site web. Cet appel était irrésistible, plus fort que tout. 

Et il m’enthousiasmait tant. 

Tu ne peux plus (te) dire non : l’extérieur te dit oui !

Parfois, on a besoin de s’assurer que ce qu’on ressent à l’intérieur peut trouver un écho dans le monde. Qu’il y a une réalité qui n’est pas que subjective. Marc, en me disant que j’avais le droit d’approfondir dans le champ de la danse, a joué ce rôle de témoin extérieur et de catalyseur de mon élan intérieur. Il m’a aidée à voir combien cet appel était vivant et puissant. Il m’a permis de lui faire confiance. 

Bien sûr, idéalement, on aimerait se dire oui soi-même et que ça suffise pour engager notre vie dans une nouvelle direction. On aimerait se passer de déterminants extérieurs : cela me paraît tout à fait sain et même souhaitable. Mais parfois, ce qui fera basculer les choses peut aussi venir du dehors. Des paroles encourageantes, des invitations qu’on saisit, des coïncidences qui interpellent, des autorisations inattendues…  des choses qui paraissent en soi anodines, mais qui deviendront des signes parce qu’elles résonneront avec le vivant à l’oeuvre en nous. Le vivant qu’on n’avait peut-être pas vu. Le vivant oublié. Le vivant qui se faisait tout petit à force d’être nié. Je crois que c’est cette danse entre l’extérieur et l’intérieur qui sublime les déclics.