Mon problème avec l’approche tête-coeur-corps

corps tête coeur

En pédagogie et en facilitation, on entend souvent parler de l’approche tête – coeur – corps. Cela permet de nommer trois espaces distincts de l’être, avec leurs fonctions respectives. Il y aurait ainsi :

  • l’espace du mental qui se joue dans la tête
  • l’espace des émotions, rattaché au coeur
  • l’espace des sensations physiques, qui s’exprime dans le corps

Quand cette approche est utilisée, c’est en général pour souligner l’importance d’agir et de réfléchir en combinant ces différents espaces : en proposant plusieurs façons d’interagir, en soignant la variété des modalités pédagogiques et en préparant des activités qui ne se réduisent pas à la dimension mentale. Je me sens en accord avec ces intentions.

Mais, si l’on prend cette approche de façon littérale et que l’on ose visualiser ce qu’elle nous raconte…

Quelle vision étonnante du corps, alors vidé de son coeur et de sa tête ! Je trouve que ça fait froid dans le dos… Bien sûr, il y a quelque chose de pratique à simplifier les choses de cette façon et je comprends tout à fait l’intention de cette approche, qui, malgré sa formulation, rejoint mes valeurs et mes convictions. Mais j’attache une certaine importance aux questions de sémantique : je trouve que les mots sont en général très instructifs et rarement choisis au hasard. Ils ont la force de véhiculer nos pensées et nos représentations. Là, en l’occurence, je crois qu’ils nous transmettent une certaine vision du corps et qu’ils se révèlent symptomatiques de la façon dont notre société le considère.

Le corps physique

Le corps est ici cantonné aux besoins premiers, aux nécessités physiologiques. Il nous sert à accomplir des fonctions essentielles : manger, déféquer, uriner, dormir, se reproduire… Ah oui, aussi, grâce à lui, on peut se déplacer. Il emmène notre tête où on veut, super ! Le corps est un instrument bien pratique, certes, mais peu évolué. On en déduit aussitôt qu’il n’est pas vraiment capable de sentir ni de penser.

corps déchiré

Depuis que j’ai étudié au Tamalpa Institute de Californie, j’ai appris et senti que le corps contient en lui-même trois niveaux de conscience : le niveau physique, le niveau mental et le niveau émotionnel. Autrement dit, avec son corps, on peut bouger, ressentir et penser. Oui, penser ! Parce qu’évidemment…

La tête est dans le corps !

Cela paraît une évidence. Pourtant, ce que cette phrase implique est loin de l’être. Cela sous-entend que le corps est aussi le siège de la pensée. D’ailleurs, les études en neurosciences nous montrent qu’une pensée correspond bel et bien à une réalité neurophysiologique, avec des connexions neuronales qui se créent, de l’électricité qui parcourt les axones, et un échange de molécules chimiques au niveau des synapses. L’acte de penser est loin d’advenir dans un royaume abstrait et désincarné : il a lieu au creux de notre matière, dans les méandres de notre cerveau, il peut même être observé par des techniques d’imagerie cérébrale, et on sait aujourd’hui que la pensée laisse des traces puisque les apprentissages réguliers et répétés se voient dans l’architecture du cerveau. On sait aussi que nous n’avons pas que des neurones dans la tête : il y en a aussi dans notre ventre… et dans notre coeur !

Vers une pensée incarnée

A nous d’apprendre à y accéder et à les relier, à nous de les faire dialoguer, pour développer une pensée véritablement incarnée et donner corps à nos projets.
Je rêve d’espaces où l’on peut percevoir le corps comme un canal précieux, un messager, une source de sagesse et de créativité. C’est pourquoi j’oeuvre aujourd’hui avec l’envie de diffuser un autre rapport au corps. 

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