Les vacances de l’entrepreneur·euse

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Lorsque j’ai démarré mon activité à mon compte, j’avais beaucoup de mal à répondre à la question : « et alors, tu prends des vacances bientôt ? » Je n’avais pas la sensation d’en avoir besoin ni l’impression de pouvoir vraiment distinguer entre le travail et les temps off. J’étais grisée, stimulée de créer, entreprendre, imaginer de nouveaux chemins dans le monde… c’était bon et ressourçant en soi. Je me réjouissais de consacrer tout mon temps libre au démarrage d’Alliam. Je me sentais chanceuse : c’est clairement un luxe de travailler sans en avoir l’impression, de sentir que je reçois en donnant, que tout s’équilibre.

Bon, pour être honnête, je pense que c’était aussi parce que j’avais encore de belles plages libres dans mon agenda… et que je prenais le temps… de m’allonger dedans !

Quand tout s’accélère

Puis, avec la structuration de mon activité, la multiplication des demandes entrantes, les journées qui s’allongent, les déplacements qui s’enchaînent… J’ai réalisé un truc : j’ai beau aimer ce que je fais, j’ai besoin de pauses ! Ce n’était pas une évidence de le formuler car j’associais la passion de mon métier à un ressourcement évident. Puisque j’aime ce que je fais, cet amour de mon activité va à lui seul me régénérer. Grosse erreur. Je ne l’ai pas vu venir mais je me suis épuisée, surtout dans ce domaine de la formation où il faut être à 300% devant les stagiaires, avoir la niaque pour arriver à 7h15 et reconfigurer une salle entière en bougeant 50 tables et chaises, assurer la journée sans aucune pause (puisque justement, la pause, c’est LE moment privilégié où les stagiaires viennent pour échanger.

Là, tout d’un coup, le concept du vendredi soir, du jour férié ou même de la semaine de vacances a commencé… à avoir du sens !

Sacraliser la pause

J’ai progressivement banalisé des journées dans mon agenda : « journée repos », « journée créa », « journée nature »… car sinon elles finissaient ensevelies sous un tas d’obligations, de rendez-vous ou de contrats. J’ai réalisé que si je ne sacralisais pas des temps pour moi, ils n’existeraient tout simplement pas.

Ce paradoxe agaçant

Quand on goûte à la pause, c’est ensuite difficile de s’en défaire, de revenir dans le feu du monde, de retrouver la pleine activité, avec le niveau d’énergie qui va avec. Mais quand on est à son compte, on sait un truc : ne pas travailler = ne pas être payée .(Bon, bien sûr, ça dépend des activités, et avec l’essor du digital, ce constat est parfois faussé). C’est le fameux adage « le temps, c’est de l’argent ! ».

Qu’on soit indépendant·e ou pas, on sait un autre truc : partir en vacances, ça coûte de l’argent ! (Bon, bien sûr, ça dépend quelles vacances on prend, et c’est tout à fait possible de se ressourcer sans dépenser particulièrement plus qu’en temps normal, que ce soit avec l’autostop, les vacances chez les amis ou la famille, les échanges de maison – encore faut-il en avoir une à proposer…)

Mais ce que je veux dire là, c’est qu’il y a une réalité à regarder en face pour un bon nombre d’entre nous, les freelance : partir en vacances, c’est admettre qu’on n’aura pas de rentrée d’argent, à un moment où on peut en dépenser sensiblement plus. Ouïlle.

Se pose alors une question cruciale : ai-je généré suffisamment de chiffre d’affaires pour pouvoir m’arrêter ? Est-ce que je « mérite » ma pause ? Ma situation me l’autorise-t-elle ? Que disent mes tableurs Excel ?! Et c’est là que le cercle vicieux peut commencer…

Quand prendre des vacances ?

On peut bien être malin et choisir de prendre ses vacances au coeur de la période creuse dans notre secteur d’activité (s’il y en a une !). Pour moi, ça tombait bien : en juillet / août, très peu de contrats manqués, c’était des vacances quasi forcées. Et bien pratiques, avec un conjoint enseignant. Tout s’aligne !
Sauf qu’il y a le moment où il est le plus stratégique de prendre des vacances et… le moment où j’ai besoin de souffler. Souvent, c’est mon corps qui me glisse les indices et il ne se synchronise pas forcément avec la saisonnalité de mon activité, dis donc ! Je peux décider de l’écouter, prendre le risque de réagencer mon agenda (- et là, le correcteur automatique de mon ordinateur me propose « réargenter » mon agenda, mmmh, tout un concept !) ou n’en faire qu’à ma tête…

Les fameuses vacances qu’on n’a pas eues

Ça vous est déjà arrivé d’assurer royalement pour toutes vos échéances et de tomber malade pile pour le super trip à vélo, le voyage en amoureux ou le séjour entre amie·s ? Si vous dites oui, je me sentirai moins seule. Je trouve ça assez incroyable (et flippant !) cette capacité du corps à tenir, tenir, tenir… pour s’effondrer au « bon » moment, qui n’est jamais le bon, on est bien d’accord. On aura utilisé ces journées non optimisées pour se remettre du trop-plein précédent. Ça m’évoque l’image de la tête sous l’eau, on la sort juste un peu, et on replonge direct. L’apnée du boulot, sortir juste au bon moment, le moins longtemps possible, ouvrir grand la bouche, se gorger d’air et repartir gonflé à bloc. Sympa les vacances à la mer.

Déconnecter

…un peu, beaucoup, passionnément, à la folie, pas du tout ? Vous êtes quel style de vacancier·e vous ? Vous êtes du genre à partir avec votre ordinateur, à checker LinkedIn sur la plage, à garder une oreille sur votre téléphone et un oeil sur vos mails ? Ou à opter pour le mode avion, le off grid, la déconnexion totale ? Est-ce que, si vous prenez beaucoup de vacances, vous avez tendance à culpabiliser et vous avez socialement beaucoup de mal à assumer votre message d’absence du 15 juin au 1er septembre, alors vous en faîtes plusieurs au cours de l’été ?! Ou au contraire, est-ce que c’est une fierté pour vous d’avoir cette possibilité de vous évader loin des obligations et vous le criez haut et fort pour exhorter tout le monde à faire comme vous ? (C’est quoi cette question clivante, Jeanne ? Franchement… tu le sais qu’il y a plein d’entre-deux !)

Pouvoir déconnecter

J’ai observé cette fameuse charge mentale de l’entrepreneur·euse. Peut-être qu’on a laissé son téléphone en mode avion ou qu’on a pris son ordi sans le chargeur (oui oui, c’est une stratégie !) c’est pas pour autant que notre projet d’entreprise, nos questionnements et nos réflexions ne nous habitent plus au quotidien. Au contraire, même ! On peut continuer à y penser très fort, être animé·e par de nouvelles idées voire envahies par un concept tout frais qui nous paraît génial et qu’on a tellement envie de tester qu’on a super hâte de rentrer !

« Souffle un peu, tu verras, ça paye ! »

Justement, les nouvelles idées… elles viennent souvent parce qu’on s’offre un rythme tout autre. On est dans un cadre différent, avec des paysages inhabituels sous les yeux. C’est le fameux exemple de l’idée géniale sous la douche – on est d’accord que la douche n’est pas en principe un paysage inhabituel mais c’est la même idée : quand tu arrêtes de ruminer – ou de penser que depuis ta tête ! – et que tu reviens enfin à un besoin fondamental du corps, les choses apparaissent, les solutions adviennent, les noeuds se défont.
En tout cas, ce mécanisme me parait utile à repérer, même s’il a son revers.

loi dillitch

La quête des vacances productives

Eh oui, on peut finir par se dire « allez, je prends des vacances parce que comme ça je vais cartonner ensuite ! » Je me repose et donc je reviendrai revigorée et pleine d’énergie, je serai productive justement parce que j’aurai arrêté de travailler. J’investis fort sur mes grasses mat’ et mes aprem plage parce qu’elles vont rapporter, c’est sûr ! La pause devient alors la condition nécessaire d’une rentabilité optimisée, in fine… Ce raisonnement, je l’ai tenu maintes fois, même pour de toutes petites pauses (allez, va faire un tour dehors, il fait beau, et tu auras plus d’idées sur ce projet au retour de ta balade !) Et je dois avouer qu’il me semble un peu dangereux. C’est comme s’il excluait la possibilité d’un repos gratuit, sans contrepartie. C’est comme s’il intimait au repos de prouver ses qualités. Comme si ma balade était ratée si, quand j’en reviens, je n’ai rien de nouveau à proposer sur ce fameux projet… Je crois que j’ai envie d’éviter de demander au repos de faire ses preuves. Mais ça me demande une certaine vigilance.

Comment couper ?

Combien de temps et à quelle fréquence ? Des gros breaks, plein de petites pauses, une alternance des deux ? Et c’est là que j’ai l’impression d’écrire un tuto vacances et que je préfère m’arrêter, parce que ce n’est clairement pas l’intention de cet article !
Je suis curieuse de savoir comment c’est pour vous, si vous avez trouvé des modalités qui vous conviennent, si vous avez observé des choses, tiré des enseignements, tout ça tout ça…

Et je ne résiste pas, pour conclure, à vous partager un audio de Lise Guilbert*, qui m’a parlé d’une pratique qu’elle met en place pour savourer ses vacances. Je vais l’expérimenter dès cette année ! 🙂

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Entreprendre de tout son être
Le secret de Lise pour réussir ses vacances en tant que freelance !
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* Lise est entrepreneuse et fondatrice de l’entreprise Lexis. Elle est facilitatrice et formatrice, spécialisée dans les dynamiques d’intelligence collective et les démarches participatives.