Au festival Dañsfabrik, édition 2023

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Rencontrer des chorégraphes, plonger dans leur univers, s’y perdre tout en se laissant guider, danser avec d’autres, et avec soi surtout, apprivoiser le parquet des Capucins…

C’est ce que j’ai vécu au cours des trainings animés les 28 février, 1er et 2 mars derniers, avec différentes personnalités.

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Au contact des eaux profondes, avec Nina Santes

La chorégraphe Nina Santes m’a fait goûter au plaisir d’un corps liquide, à la douceur des ondulations qui viennent me cueillir et à la lenteur des profondeurs. Avec délicatesse, une partie du corps après l’autre, nous avons invité des états de corps aquatiques, tantôt légers, tantôt denses et tumultueux. Portée par une bande sonore immersive, j’ai aimé convoquer cet imaginaire des eaux profondes : l’eau au fond des océans, la vie inconnue, sombre et rare, les sons étouffés, la lenteur des gestes qui influence jusqu’aux mouvements oculaires… Comment le mouvement peut-il rester fluide et continu alors même que le poids de l’eau nous résiste ? Comment mon corps bouge dans cet environnement étrange que je fais naître par des images, des sensations ? Quelle qualité de mouvement s’invite, quels gestes nouveaux émergent ? Nous avons terminé par un moment de communion chantée, proches les un·e·s les autres, laissant nos voix s’entremêler. C’était tellement bon de chanter avec un corps si détendu.

« Sous influence », avec Eric Minh Cuong Castaing

Le lendemain, c’est avec Eric Minh Cuong Castaing que mon corps s’est étiré, réveillé, délié. J’ai adoré sa proposition collective qui s’appuyait sur les singularités de chacun·e, son invitation à fermer les yeux et faire confiance, l’audace de la rencontre avec des corps inconnus, la possibilité de se laisser toucher. Cela me rappelait par moment les jams de contact improvisation.

Eric et son équipe nous ont proposé des partitions collectives à interpréter chacun·e à notre manière. Nous avons joué avec la sensation de corps électriques, la densité de notre matière, le magnétisme de nos présences, l’écho de nos énergies. Nous nous engagions dans une même dynamique, un mouvement commun, qui se répétait, qui se déclinait, qui se transformait. « Imaginez que vous secouez le ciel, encore et encore. Allez, on secoue le ciel tous ensemble ! » Je me sentais portée par tous ces corps, tous ces gestes autour de moi, toutes ces personnes concernées par un même mouvement qui prenait des couleurs différentes. Nous étions invité·e·s à nous rapprocher pour devenir un seul corps compact et vibrant, avec de toutes petites amplitudes de mouvements, puis à nous espacer, à laisser l’air circuler entre nous, à respirer et bouger dans de grands gestes déliés. Nous naviguions d’une partition à l’autre, et je ressentais un sentiment agréable d’osmose collective. J’étais à la fois complètement dans ma bulle et complètement en lien avec les corps environnants, en glissant entre eux. Cette transe collective était douce et puissante… et ce n’était qu’un début, car le coeur de l’expérience a eu lieu quelques jours après, dans un espace public avec 200 complices prêt·e·s à interpréter les partitions proposées, qui se manifestaient par le biais de codes couleurs lumineux, pour entraîner habilement le public dans la danse, dans la transe.

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Photo : Yoann Pierre

Oser défiler : l’initiation au voguing de Vinii Revlon

En reprenant et en détournant les codes du défilé de mode, le voguing est une invitation à s’assumer pleinement, à oser se montrer, avec applomb. Ce style de danse est apparu dans les années 1970 dans la communauté LGBT afro-américaine à New York.

C’était pour moi un exercice aussi délicat que stimulant, qui m’a clairement fait sortir de ma zone de confort… J’ai trouvé déroutant de m’autoriser à prendre l’espace de la scène, d’imaginer des poses (et de les faire, surtout !!), de chercher le déhanché dans la marche ou le côté militaire et angulaire dans le défilé à l’américaine, de planter ses yeux dans ceux d’inconnu·e·s avec un p’tit air de « Regarde-moi, vois qui je suis ». C’est comme si tout ce que je faisais avec mon corps, je le faisais avec une assurance nouvelle, comme s’il y avait en filigrane un sous-titre permanent, qui disait : « là, j’ai le droit de me la péter, et donc… j’me la pète ! » Je ressentais une forme de futilité, de superficialité, de faux-semblant à travers cet acte démonstratif tellement centré sur l’apparence… et en même temps, c’était très intéressant d’aller recruter chez moi la part de celle qui s’assume, sans arrières-pensées, qui se montre avec fierté, celle qui se prend au sérieux, celle qui accepte d’être vue lorsqu’elle se montre, avec les encouragements des participant·e·s, les sourires amusé·e·s dans la foule et les applaudissements qui soutiennent…

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