Une certaine vision de l’attention

cliché je suis attentif

Aïe aïe aïe, ça m’a fait vraiment mal de voir cette affiche aujourd’hui au beau milieu d’une salle de classe aujourd’hui, lors d’une formation que j’animais pour des enseignants d’école primaire.

Comment en sommes-nous arrivé.e.s à trouver normal qu’il faille se taire pour apprendre, regarder uniquement l’enseignant.e et rester sagement immobile ? Qu’est-ce qui nous fait croire si fort que notre esprit sera plus attentif avec cet état de corps ?

Quelle bien triste vision de l’attention ! J’ai l’impression qu’il faudrait remplacer le titre « je suis attentif » par « je suis passif » pour que ce soit juste… Or, la condition essentielle pour un apprentissage efficient, c’est d’être actif. Pour que les neurones s’activent, que les traces mnésiques se créent au fil des répétitions, on a absolument besoin d’action, de mouvement, d’interactions ! D’un point de vue neuroscientifique, on peut mesurer l’acquisition d’un apprentissage à partir des traces qu’il laisse dans le cerveau, quand les chemins neuronaux se consolident. Il y a donc bien de l’activité dans notre tête, même si celle-ci reste mystérieuse et invisible. D’ailleurs, quel dommage que, dans notre quotidien, on ne puisse pas observer en temps réel les connexions neuronales se faire, on verrait que les neurones s’agitent bel et bien, que ça bouge, et que c’est bon signe !

Retrouver le corps pour apprendre

Or, dans de nombreux contextes, le mouvement et l’intégration du corps dans les apprentissages sont encore perçus comme des perturbations, des incursions parasitaires qui détournent le cerveau des tâches à accomplir. Il faudrait que ça bouge, mais uniquement dans la tête, que ce soit bien protégé et circonscrit à la boîte cranienne, que le reste de notre corps n’en soit pas affecté. Je crois qu’il y a beaucoup à faire pour déraciner ces croyances si ancrées, qui nous amènent à rechercher la docilité plutôt que l’efficience et à confondre passivité et attention.

Ce qui était drôle, c’est qu’aucune des enseignantes présentes à cette formation ne se tenait comme sur l’image ! J’ai pu leur faire observer (en douceur !) et on en a ri, avant d’ouvrir le débat : « c’est vrai, pourquoi on a décidé un jour qu’il fallait être assis-e sur une chaise avec une table devant soi et qu’on devait se taire pour apprendre ? »

Je rêve d’une école qui célèbre le mouvement et la parole… Parce qu’on apprend quand on bouge et on grandit par l’échange !